Le rapport RTE d’octobre 2021 est une source importante d’informations basée sur des analyses très approfondies du système énergétique français et de ses évolutions. Mais cette étude pèche, dans ses projections futures, par une méthodologie discutable opposant « renouvelable » et « nucléaire » et par une approche « optimiste » des réalités et du potentiel de développement des énergies « vertes ».
LES DEVELOPPEMENTS DES PRINCIPALES FILIERES
Nous avons passé en revue les évolutions récentes des principales sources électriques, pour mieux cerner leurs capacités de développement dans les prochaines décennies. Les possibilités des renouvelables s’avèrent très éloignées des projections de RTE. Elles « plafonnent » généralement avant 2050, car elles doivent faire face au renouvellement des équipements.
L’éolien terrestre est le renouvelable le plus développé en France (hors hydraulique), mais il ne représente encore que 7% de la production, contre 18% en Allemagne. Il est donc tentant d’en déduire une capacité de croissance importante. En réalité cette filière de plus en plus contestée ne progresse plus, chez nous comme chez nos voisins. Nous devons adapter nos prévisions à cette réalité, comme l’a fait l’Allemagne, et revoir à la baisse les objectifs de la PPE après lesquels nous ne cessons de courir depuis 2015.
L’éolien en mer est balbutiant en France, mais l’expérience de l’Allemagne et du Royaume-Uni nous permet d’espérer une croissance rapide dans les années à venir et un potentiel à terme supérieur à celui de l’éolien terrestre. Mais le développement de cette filière sera conditionné par une bonne acceptabilité, passant par des parcs très éloignés des côtes (80 Km en Allemagne), ce que ne favorise pas la profondeur du relief côtier de la France. Le facteur de charge devrait être largement inférieur à la valeur utilisée dans ses calculs par RTE (0,36 contre 0,41)
Le photovoltaïque est le renouvelable le mieux accepté. Malgré un démarrage très lent en France depuis 10 ans, les prévisions basées sur l’évolution des autres pays en feront sans doute la 1ère source renouvelable en 2050. Néanmoins cette croissance doit être maitrisée, car une part trop élevée de photovoltaïque dans le mix électrique conduit rapidement à des fluctuations incontrôlables et des déversements (perte de production).
L’évolution du nucléaire dans les prochaines décennies résulte de 2 effets opposés : la fermeture progressive du parc actuel (2ème génération) et la mise en service du « Nouveau Nucléaire France » (NNF composé d’EPR2 et de SMR). Les scénarios de RTE s’appuient sur diverses trajectoires de fermeture du parc actuel et de mises en service du NNF. L’analyse chiffrée montre qu’aucun de ces scénarios ne parvient à stabiliser la production nucléaire à l’horizon 2050 et qu’ils conduisent tous à une baisse importante de la production jusqu’en 2070. Cette faiblesse des scénarios « nucléaire » de RTE les rend plus vulnérables à une augmentation de la consommation d’électricité.
Dans un contexte de forte électrification des usages et avec les capacités de développement limitées des énergies renouvelables, cette baisse du nucléaire constitue à terme une menace grave pour le système électrique français. Il est impératif de réétudier la possibilité d’une trajectoire
« accélérée » du NNF que RTE n’a pas retenue car jugée « irréaliste par les acteurs du secteur ».
LA MAITRISE DES SYSTEMES ELECTRIQUES
Les simulations des scénarios de RTE font apparaître des fluctuations considérables par rapport au système actuel, dont l’ampleur est directement liée à la part des énergies intermittentes. Elles ont plusieurs conséquences sur le fonctionnement du système : des niveaux énormes d’ajustements instantanés de l’offre à la demande, la nécessité de disposer d’un système important de stockage d’énergie et surtout, pour assurer la sécurité de nos approvisionnements, une dépendance à l’importation, dont la disponibilité n’est pas du tout garantie.
Le système de stockage d’hydrogène, indispensable au fonctionnement des scénarios 100% EnR, prélève une partie importante de l’hydrogène produit par électrolyse pour son propre fonctionnement, en privant ainsi d’autant la décarbonation des usages.
À LA RECHERCHE D’UN SYSTEME OPTIMAL
Aucun des scénarios de RTE ne constitue un modèle crédible pour le futur du système électrique français.
Nous ne pouvons pas baser notre avenir sur les croissances utopiques des scénarios 100% EnR (M), qui nécessiteraient, s’ils voyaient le jour, un système de stockage très complexe et nous rendraient largement dépendants de l’importation pour assurer la sécurité du réseau électrique.
Nous ne pouvons pas compter non plus sur des scénarios du Nouveau nucléaire (N) « sous- dimensionnés » et « décroissants » à l’horizon 2050-2070.
Nous avons donc recherché un système électrique qui prendrait en compte les développements des EnR que nous considérons possibles et raisonnables, et un développement nucléaire capable de maintenir le niveau de production actuel, et dont il restera à valider la faisabilité. Toute autre démarche nous paraît conduire à l’échec.
Le système « S » présente un certain nombre d’avantages sur les scénarios RTE
- Il compense intégralement le parc actuel au fur et à mesure de sa fermeture
- Il maintient en conséquence le niveau nucléaire jusqu’en 2070
- Il fait moins appel à l’importation pour assurer la sécurité du réseau
- Il n’a pas besoin de système important de stockage
- Il a une balance commerciale meilleure que les scénarios RTE
- Il peut faire face à un niveau de consommation supérieur (710 TWh/an contre 675)
- Il fournit davantage d’hydrogène pour « décarboner » l’économie (81 TWh/an contre 56)
A PROPOS DE LA NEUTRALITE CARBONE
Le bilan carbone du cycle global de vie montre que les scénarios « nucléaire » (N03 et « S ») ont un résidu d’émissions de GES 2 fois plus faible que le scénario 100% renouvelable (10 MTeqCO2 contre 22 MT pour M0).
Pierre Escaich – Février 2022